théâtre
Yakich et Poupatchée - Comédie crue

Frédéric Bélier-Garcia

21 Mars ► 22 Mars 2011

© Beryl Cook

de Hanokh LeVin | Mise en scène FrEdEric BElier-garcia | Production NTA

Comment trouver l'amour quand on est jeune, pauvre et surtout très très moche ? Yakich cherche en vain un remède à sa solitude‚ Poupatchée aussi ! Leurs familles espèrent les unir pour le meilleur sans le pire, dans une équipée sauvage ponctuée de chansons, courses, et danses échevelées. Après le succès de Yaacobi et Leidental, le directeur du NTA retrouve avec jubilation l'auteur israélien Hanokh Levin.

Voglio Una Donna !

Levin écrit ici l'odyssée vertigineuse et catastrophique du pauvre désir, confronté à toutes ces forces qui le dépassent et l'épuisent : pulsions, rêves, fantasmes, obligation reproductrice, langueur matrimoniale, poids du père, exaspération de toutes les mères, fringants beaux-frères, marieurs intempestifs. Comment peut-il survivre à tant d'embûches ?

Yakich et Poupatchée sont deux êtres jeunes, laids et pauvres, et donc seuls et désespérant de trouver partenaire. Mais comment faire quand on est jeune, laid et pauvre ? Un marieur astucieux et deux familles aussi peu avenantes que scrupuleuses penseront résoudre l'humaine équation en les accouplant. Mais comment se résigner à son semblable quand tout en vous aspire à la beauté et à autre chose qu'à vous-même ?

Levin féconde avec ce texte cruel, cru et capricieux un joyeux monstre théâtral, dont le destin principal est d'éprouver la question amoureuse au fil des situations : rencontre, conquête de l'autre, rejet, abandon, acceptation, résignation. Si ce n'est que la " laideur " des protagonistes culbute et chavire sans cesse nos attentes quant à ces " heureux " événements.

Yakich et Poupatchée est une course-poursuite nocturne, vaine, désespérément circulaire, irrémédiablement provinciale qui nous entraîne dans une contrée imaginaire, de Platchki en Ploutchki. Les onze protagonistes de cette fable cherchent incurablement la vie, de mariage en enterrement, d'une gare à l'autre, d'un bordel à un château pour finir dans un terrain vague :

" On est arrivé au centre de la vie nocturne du centre du monde ? "
Tous les êtres de cette fable rêveuse, bouffonne, irréparablement laids, courent hors d'haleine après ou devant le sempiternel impératif : " Croissez et multipliez ! ". Chanson :
Voilà que la nuit est tombée
Et derrière les volets baissés
La mère se penche sur son enfant
L'enfant la trouve belle sa mère
Car il n'en a pas d'autre, de mère‚

Après Yaacobi et Leidental, créé à Angers en 2008 et qui a tourné dans la France entière, notre projet est de retrouver sur une grande forme le dramaturge israélien le plus fécond et le plus inspiré du XXe siècle, pour fabriquer avec lui l'aventure ludique, lyrique et dérisoire du désir.

Nous allons, en compagnie de Sophie Perez et Xavier Boussiron (scénographie et costumes), construire cet objet théâtral insolite : un conte contemporain grotesque et féerique où se croisent, au gré de son voyage, prostituée fellinienne, princesse muette et éthérée, revenant, baron fantôme. Cette fresque est ponctuée de chansons, courses, et danses pour réaliser un ouvrage de tendresse qui donne son sens et son humeur à la comique tragédie de l'existence.

Hanokh Levin, auteur, mais aussi traducteur, était un fin connaisseur des grandes dramaturgies occidentales, dont celle de Molière. Il ne cesse de questionner concrètement l'écriture dramatique, d'expérimenter de nouveaux mélanges (prose, chansons, cabaret, ballets‚ ). Il façonne une écriture aussi païenne, crue que sentimentale, lyrique, trouvant ses lignées et ses cousinages tant chez Boccace ou Gogol, que chez Fellini ou Philip Roth pour exposer notre humaine gourmandise dans ses métamorphoses bouffonnes, indigestes ou poétiques.

C'est un spectacle pour dix comédiennes et comédiens, beaucoup de musique, pas mal de bruit et de cascades, du théâtre grand format imaginaire.
Frédéric Bélier-Garcia¬†