26 au 28 nov. 25
T400
50MN
→ Rencontre avec l'équipe artistique à l'issue de la représentation (Jeu 27 nov)
→ Soirée enfants : Pendant que vous assistez au spectacle, votre enfant âgé de 3 à 11 ans profite aussi de sa soirée en participant à des activités.
5€ par enfant - sur réservation (Ven 28 nov)
Une performance musicale mise en scène par Pierre Maillet d’après la pièce L’art de la chute de Sara Stridsberg Avec Frédérique Loliée, Pierre Maillet, Luka Fiorello, Thomas Nicolle, Guillaume Bosson, Thomas Jubert Inspirée de l’histoire vraie de deux Américaines excentriques vivant en marge de la société, la nouvelle création de Pierre Maillet nous transporte au Reno Sweeney, lieu mythique des nuits new-yorkaises des années 70. Chansons, paillettes, transformisme… Bienvenue au cabaret !
L’histoire d’Edith Bouvier Beale et de sa fille Edith, Big et Little Edie, respectivement tante et cousine de Jackie Kennedy, est une source d’inspiration sans fin. Elles ont d’abord été au cœur d’un documentaire mythique de 1975, filmées par les frères Mayles : Grey Gardens, du nom de leur propriété, où mère et fille vécurent isolées du monde dans un manoir en ruine, envahi par la végétation et les animaux. Une histoire de maison et de raison délabrées. Les deux femmes, artistes de leur propre chute, ont inspiré la pièce L’Art de la chute de Sara Stridsberg. Pierre Maillet en propose une adaptation entrecoupée de chansons et transpose le récit dans le cocon du Reno Sweeney, où Little Edith a donné un spectacle après la mort de sa mère. Le public fait connaissance avec ces figures étranges et magnifiques, qui convoquent les fantômes de leur passé et se métamorphosent à vue. Du répertoire des Années folles jusqu’aux airs country, piano, guitare électrique et batterie accompagnent ce spectacle de cabaret théâtral, fascinant et follement généreux.
Réalisé en avril 2025 par Pauline Deboffles et Julien Villeneuve-Pasquier, retranscription par Rosalie Frapreau
Tu as marqué la saison 24/25 du Quai avec les spectacles Et j’en suis là de mes rêveries de Guiraudie, Habiter de Patricia Allio et Une vie d’acteur de Tanguy Viel.
On te retrouve en cette saison 25/26 avec un spectacle que tu mets en scène, Edith Beale au Reno Sweeney, du 26 au 28 novembre 2025. Peux-tu nous parler de ce spectacle et de sa genèse ?
La genèse date d’il y a plusieurs années. J’ai fait un premier spectacle autour du cabaret Reno Sweeney en 2018 qui s’appelle One night with Holly Woodlawn autour de l’autobiographie de Holly Woodlawn, peu connue en France mais qui a été une des premières actrices transgenres de l’histoire du cinéma (elle a notamment joué dans les films d’Andy Warhol). J’avais fait une adaptation théâtrale de trois films de Paul Morissey : Flesh / Trash / Heat dont Holly faisait partie et que je jouais dans mon spectacle. Je suis tombé complétement raide dingue de cette personne ! Je me suis rendu compte qu’elle avait écrit une autobiographie inédite en France, je me suis plongé dedans. J’y ai découvert qu’Holly avait fini sa vie en faisant du cabaret. Holly, c’est d’elle dont parle le premier couplet de la chanson de Lou Reed Take a walk on the wild side. « Holly came from Miami FLA ». C’est une personnalité qu’on connait peu en France, qui a toujours été dans la périphérie de grands mouvements comme la Factory de Warhol. Elle raconte que le cabaret lui a sauvé la vie ! Elle a commencé à en faire assez tard, à une quarantaine d’années, au Reno Sweeney. C’est un lieu mythique à New York, qui n’a existé que 6 ou 7 ans. C’est le premier club entièrement géré par la communauté gay tout en étant un endroit mixte, où tout le monde pouvait aller. Il y avait une backroom transformée en salle de spectacle où des personnalités atypiques comme Holly Woodlawn venaient et côtoyaient Patti Smith, Mick Jagger… C’était un lieu vraiment très ouvert. Mon premier spectacle autour du Reno Sweeney - qui continue de tourner - prend la forme d’un cabaret, en hommage à cet endroit et à cette époque. J’avais l’envie de refaire un spectacle autour de ce club. En me renseignant je me suis rendu compte qu’il y avait plein de personnalités peu connues, assez atypiques et particulières, qui ne pouvaient se produire que là-bas !
En parallèle, je découvre un documentaire des frères Maysles, des cinéastes indépendants américains des années 70, Grey gardens qui est absolument incroyable ! Il suit les cousines de Jackie Kennedy : une mère et une fille de 75 et 52-53 ans qui vivent ensemble dans un quartier riche au bord de la plage, dans une villa de 28 pièces qu’elles laissent complétement pourrir ! Elles ne vivent plus que dans une seule pièce, avec plein de chats, elles donnent même à manger à des ratons-laveurs… C’est un film hallucinant. Leur relation est à la fois complètement fusionnelle et toxique, elles se reprochent l’une l’autre de s’être empêchées de vivre. Elles sont très excentriques, ce sont des punks qui s’ignorent. Ce documentaire me fascine. Je rencontre ensuite Marianne Ségol qui est traductrice de pièces. Elle me parle d’un texte qui m’irait bien : l’Art de la chute de Sara Stridsberg. En le lisant, je me rends compte que Sara Stridsberg a écrit sur les cousines ! Complétement par hasard, les étoiles s’alignent !
Deux ans après la sortie du documentaire, Edith Beale la mère, décède et la fille réalise enfin son rêve de monter à New York et de faire son propre cabaret, au Reno Sweeney. J’ai imaginé que cette histoire incroyable pourrait être la deuxième partie d’un cycle rêvé autour de ce lieu new-yorkais. Ce qui est beau dans la pièce de Sara Stridsberg et qui est mon parti pris dans la mise en scène, c’est qu’elles font spectacle de tout dans cette chambre qui tombe en ruines, avec les ratons laveurs... Leur chambre devient une scène. La pièce serait donc le spectacle de la fille qui arrive au Reno Sweeney après la mort de sa mère et qui raconte son histoire avec les mots de Sara Stridsberg. Ensuite, mon équipe et moi avons imaginé que nous pourrions, comme dans One night with Holly Woodlawn, jouer tous les autres personnages périphériques. Frédérique Loliée joue Edith Beale, la fille. C’est elle qui est centrale et qui convoque tous ces personnages pour raconter son histoire et moi je vais jouer la mère.
La pièce aborde aussi le rapport à l’habitat, aux espaces, aux lieux : entre cette maison qu’elles ont occupée, ce cabaret mythique mais assez éphémère… Comment allez-vous représenter cela dans la scénographie et les décors ?
C’est une nouvelle traversée de quelque chose qui a déjà eu lieu. Dans la pièce de Sara Stridsberg il y a un univers assez mental, la maison est surtout représentée par la chambre et par les détritus, les tourne-disques, les boîtes de nourriture pour chats… Ce sont finalement des éléments assez pauvres qui représentent cette situation. Nous avons repris l’espace scénique de One night with Holly Woodlawn, donc le Reno Sweeney qui nous permet de savoir où l’on se situe. Il y aura les deux lits, puisque l’action se passe principalement dans la chambre, et petit à petit la chose va se salir. On commence comme un spectacle et puis à partir du moment où Edith raconte, la maison va envahir le Reno Sweeney de façon assez artisanale !
Le documentaire Grey Gardens a été réalisé après une rénovation financée par Jackie Kennedy. Et une fois que tout avait été refait, elles ont recommencé ! C’est pour ça que je trouve très beau le titre de la pièce de Sara Stridsberg, L’art de la chute. Elles ne se plaignent pas, c’est comme une sorte de revendication à la face du monde, en écoutant Tea for two, Cole Porter… C’est assez fascinant : elles sont devenues célèbres grâce à leur chute, en la rendant spectaculaire.
Il y aura aussi beaucoup de musique en live. Ce qui est beau avec Edith Beale, c’est qu’une fois sa mère morte, elle est devenue très connue au Etats-Unis : une comédie musicale à Broadway a été faite sur elle, Warhol l’a photographiée, elle est devenue une figure de la jet-set américaine et, sans forcément le vouloir, une figure iconique de la contre-culture et de la culture queer. Certaines scènes sont reprises dans les émissions Ru Paul’s Drag Race, c’est très présent aux Etats-Unis. Il y a également le lien à Jackie Kennedy, que tout le monde connaît. Elles ont failli avoir, quelque part, le même parcours qu’elle. Elles auraient pu car elles appartenaient à des familles aristocratiques ou du moins de la grande bourgeoisie. Cela raconte aussi la place des femmes à cette époque-là, à quels endroits elles étaient attendues ou pas… C’est passionnant que, sans le savoir, elles luttent aussi pour la place de la femme. Je trouve intéressant que ces figures racontent tout un pan de la société américaine, de l’Histoire avec un grand H.
C’est une immersion dans l’atmosphère du New York des années 70. Comment t’es-tu documenté sur cette ambiance socio-politique - tu parlais de la place de la femme - mais aussi culturelle, artistique à cette époque aux États-Unis ?
Je me suis beaucoup renseigné sur la Factory de Warhol dans la fin des années 60, début 70. Avec Edith Beale, c’est un peu la suite. Ce sont des figures qui, parce qu’elles étaient particulières, avaient leur place dans le monde du spectacle. C’est vrai qu’elles sont insaisissables. Elles sont à la fois représentatives d’une époque tout en faisant craquer le vernis qu’il pouvait y avoir autour. C’est quelque part ce que Jackie Kennedy n’a pas pu faire. Il y a une liberté de se défaire de tous les carcans. Je pense que leur manière de vivre était une façon d’acquérir l’indépendance. Autant Holly qu’Edith, toutes deux sont des personnalités politiques par le simple fait d’exister. Elles ne sont pas du tout militantes mais le fait d’être là, d’être sur scène, d’accepter que la maison tombe en ruines, ce sont des choses fortes. Surtout quand elles le font consciemment.
Le spectacle, c’est pareil : Edith Beale chante plus ou moins bien. Ce n’est pas Barbara Streisand ! C’est Broadway sans Broadway. C’est plus ou moins bien chanté mais c’est assumé, ce n’est pas à ses dépens. Il y a beaucoup d’humour sur elle-même. Quand je me suis renseigné sur ce qu’était son spectacle au Reno Sweeney, j’ai pris pas mal de repères du pianiste qui était avec elle, parce qu’il n’y a aucune captation. Il y a des photos, des critiques, mais je n’ai même pas réussi à trouver la playlist. Edith junior traverse un répertoire de l’époque de la mère, des années 30, un peu des années 50, pas du tout de la période contemporaine. On est à l’arrivée du disco et elle n’est pas du tout dans cet univers, même si sa personnalité est extrêmement moderne.
Le répertoire de chansons imaginé avec Luka Fiorello et Guillaume Bosson est un voyage dans l’histoire de la musique américaine. Il y aura du piano-voix comme elle a pu faire, de la musique country… On détourne les codes de genre de la musique américaine, très reconnaissables, pour mieux les casser ! Comme une pirouette, retourner les choses par rapport à ce qu’elles représentent ou ce qu’elles pourraient représenter. On voyage dans le siècle dernier, dans cette évolution, avec des grandes figures féminines que la chanson a pu porter. On trouvait ça pertinent et beau d’avoir ces repères dans la musique qui évoquent tout de suite quelque chose.
Pierre, tu vas interpréter Edith Beale, la mère. Dans cet univers queer dont tu parles, le travestissement a une grande place. Tu interprètes un personnage féminin, comment est-ce que cela s’inscrit dans cette histoire plus large ?
C’était important parce que dans la relation mère-fille, la mère se fout complètement de la différence d’âge. Dans le documentaire, elle est seins nus et elle a le corps qu’elle a, elle bronze… Dans la pièce de Sara Stridsberg il y a aussi ce rapport au corps, à la vieillesse. Moi, je joue cela n’étant pas femme, n’étant pas encore septuagénaire ! Il fallait que ce soit crédible, en tout cas que cela raconte quelque chose. Quand j’ai acté que le spectacle serait du point de vue d’Edith Beale junior (parce qu’on a vraiment l’impression que Sara Stridsberg écrit du point de vue de la fille et comme si tout cela avait déjà eu lieu), ça m’a permis de considérer la mère ou Jackie Kennedy comme des personnages périphériques. Cela devient quand même un vrai duo parce que cette relation est assez centrale. Dans la pièce précédente, c’était moi qui interprétais Holly Woodlawn, on était déjà dans ce rapport au transformisme. Il ne faut pas rentrer dans une illustration trop crédible, au contraire, cela fait partie du spectacle. On travaille justement sur la façon dont cette vieillesse peut être racontée de manière un peu factice, dans le sens où le factice est parfois plus vrai que la réalité ! Cela raconte également un amusement par rapport à tout ça. C’est comme une perruque, comme une chose qu’on enfile. C’était inscrit dans la forme du cabaret. Pour Frédérique qui joue Edith junior, je pense que cela va davantage travailler sur un trouble : « Est-ce que c’est la comédienne qui raconte cette histoire ? Est-ce que c’est vraiment un personnage ? ».
26 au 28 nov. 25
T400
50MN
→ Rencontre avec l'équipe artistique à l'issue de la représentation (Jeu 27 nov)
→ Soirée enfants : Pendant que vous assistez au spectacle, votre enfant âgé de 3 à 11 ans profite aussi de sa soirée en participant à des activités.
5€ par enfant - sur réservation (Ven 28 nov)